L'homme marchait péniblement sur le trottoir. Comme cela lui arrivait souvent depuis la mort de sa femme, il sortait presque toujours ivre du bistrot.
Il était mal habillé et ses vêtements recouvraient à peine son corps maigre et courbé. Ses chaussures trouées laissaient échapper ses orteils sales. Il était grand, portait une moustache et quelques cheveux sur son petit crâne surmonté d'un chapeau marron.
 
 
Tonio, c'était son nom, venait tout juste d'arriver en France après avoir vécu longtemps en Espagne.
Sa famille n'avait plus assez d'argent, alors il était parti pour gagner sa vie. Il connaissait mal ce nouveau pays, mais il mettait tout son coeur à apprendre le français.
Depuis un certain temps, Tonio était à la recherche de quelqu'un sachant parler à la fois la langue française et l'espagnole. Il était allé voir le maire de la ville pour demander l'adresse d'une personne bilingue et on lui avait donné l'adresse d'une jeune fille qu'il avait notée sur un petit papier bleu. Etait-elle blonde ? Aimait-elle aller à la cueillette de champignons avec ses amies ? Aimait-elle ses parents ? Tonio s'amusa à lui inventer une famille, un chien à l'air très triste, une petite soeur et un grand frère !
 
Tonio se mit ensuite à penser à son pays. En Espagne, il aimait marcher au bord de la mer, menaçante, sombre et agitée, en regardant le sable tourbillonner. Il se rappelait des palmiers qui dansaient et les nuages qui se déplaçaient très vite dans le ciel gris.
 
Ce soir-là, l'homme avait du mal à tenir son gros blouson de cuir fermé. Il y avait tellement de vent que le petit papier bleu s'envola. Tonio se mit à courir après et réussit à l'attraper au pied d'un gros chêne où s'accumulait tout ce que le vent avait emporté. En même temps que l'adresse de l'inconnue , il ramassa un petit papier doré. C'était un billet de tombola. Il plia soigneusement celui-ci dans sa main et reprit son chemin.
 
Tonio marchait en tenant, serré dans son poing, le billet de tombola. « A qui est ce billet de tombola ? » criait-il, mais personne ne lui répondait.
Les gens se moquaient de lui, car il était mal habillé, mal rasé et semblait miséreux.
 

Soudain, il croisa une jeune fille qui fredonnait une chanson de son pays.

- Buenos dias, dit-t-il.
- Buenos dias, répondit-elle.
Cette jeune fille qui parlait à la fois le français et l'espagnol était peut-être la personne qu'il cherchait ! Tonio la trouva charmante et lui proposa d'aller boire un verre. Elle s'appelait Alexandra.
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Résumé